Chronique 06 « Plaisir CD »
du 6 novembre
2022 sur Radio 4910
Lors de ma première chronique, j’avais
évoqué un disque enregistré par huit violoncellistes : « O
Celli ». Aujourd’hui, j’ouvre cette sixième chronique avec un CD tout
aussi hors du commun : « Polaris », enregistré par un ensemble
de sept saxophones appelé « 7à8 », le 8e musicien
étant le brillant arrangeur des musiques enregistrées.
Dans le paysage musical belge,
« 7à8 » occupe une place unique. Créé par d’anciens étudiants du
Conservatoire de Mons, l’ensemble a déjà douze ans d’âge. Cette formation est
peu banale et a eu la volonté de s’approprier la musique symphonique à travers
la famille des saxophones : soprano, alto, ténor et baryton. Exit donc violons
et flûtes, trompettes et hautbois… La musique vivra aux timbres du son cuivré
et malgré tout chaleureux du sax ! Parfois, comme c’est le cas, dans ce
cas, accompagné d’un clavecin et de percussions.
Dès les premières notes du CD, notre
oreille a été conquise. « Polaris » est une entreprise musicale très
originale et efficace tant les arrangements signés Thomas Pechot sont soignés.
L’orchestre de saxophones sonne comme un orchestre symphonique. C’est à s’y
méprendre et quelle vigueur se dégage dans l’interprétation d’œuvres de Roman,
Grieg, Nielsen et Sibelius.
Pas d’œuvre originale dans ce CD mais un
magnifique voyage musical vers l’Europe du Nord. C’est un disque enthousiaste
et enthousiasmant à recommander. Il s’en dégage une grande énergie, de
magnifiques couleurs orchestrales et de savoureux instants de poésie dans les
passages où la finesse de jeu est de rigueur.
Enregistré en juin 2021 au Concert Hall
de Namur, ce disque est sorti ce 5 novembre. Malheureusement, il n’y a pas
encore de concert prévu dans notre région. Pour écouter « 7à8 » en
live, il faudra se rendre à Tournai le 11 décembre prochain.
Nous allons écouter ce superbe ensemble
dans un extrait de la suite Peer Gynt de Grieg.
Effectuons maintenant un détour par le
cinéma avec la sortie dans les jours à venir d’un film réalisé par Clovis
Cornillac : « Couleurs de l’incendie », adapté d’un roman du
superbe écrivain Pierre Lemaître. On y retrouve dans la distribution Léa
Drucker, Benoit Peolvoorde, Olivier Gourmet, Alice Isaaz… Mais diable que vient
faire le cinéma dans cette chronique dédiée au CD ? La sortie du film
coïncide avec la sortie d’un CD qui reprend la bande originale de
« Couleurs de l’incendie ». Elle est signée en grande partie par
Guillaume Roussel. Ce jeune compositeur français est connu pour être l’auteur
des musiques de films tels « Les Seigneurs », « La
French », « Bac Nord » (qui lui vaudra d’être nommé aux Césars),
« C’est magnifique » ou encore « Novembre »…
Je vous invite à découvrir ces plages
musicales très inspirées ainsi que d’autres écrites par Verdi, Saint-Saens,
Bizet ou encore extraites du répertoire français comme « Plaisir
d’amour ». Ce CD est aussi l’occasion d’entendre la cantatrice française,
Sandrine Piau, qui prête sa voix, dans le film à l’actrice Fanny Ardant qui
joue dans « Couleurs de l’incendie » une cantatrice héroïque.
Je vous propose d’écouter un extrait de
« Va Pensiero » de Verdi
Nous venons d’écouter Sandrine Piau…
Mais elle est doublement dans l’actualité discographique. Par « Couleurs
de l’incendie » et les quelques pages qu’elle y interprète mais aussi par
un CD qu’elle sort en duo avec une autre soprano : Véronique Gens,
elle-aussi, comme Sandrine Piau, révélée par la scène baroque. Toutes deux
bénéficient d’une solide réputation internationale et tiennent une place de
choix dans le monde lyrique.
Les voici partenaires dans
« Rivales », titre d’un CD enregistré avec l’ensemble « Le
concert de la Loge », dirigé par le violoniste Julien Chauvin.
Avec brio, ces deux grandes dames du
chant français interprètent des airs et duos d’opéras et d’opéras comiques
français, à tour de rôle ou en duo. On va ainsi entendre du Gluck, du Grétry,
du Chérubini, du Sacchini…
Amies depuis leurs débuts avec William
Christie, Sandrine Piau et Véronique Gens s’offrent ici le plaisir de vraies
retrouvailles. Mais alors pourquoi « Rivales » est-il le titre donné
à ce CD ? « Rivales » parce qu’il rend hommage à deux grandes
figures de l’art lyrique français des 18e et 19e
siècles : Mme Dugazon et Mme St Huberty. Sous le règne de Louis XVI,
toutes deux triomphaient et étaient reines dans leur théâtre respectif. Elles
ont inspiré quelques compositeurs et librettistes et ainsi marqué leur temps.
Nous voici entre classicisme et
pré-romantisme, entre tendresse, sensibilité, tragédie, pathétique et légèreté.
Deux grandes artistes ainsi qu’un excellent ensemble à découvrir dans ce CD !
Nous les retrouvons en duo dans cet
extrait de « La Clémence de Scipion » de Johann Christian Bach
Je vais terminer cette chronique avec
une musicienne verviétoise, que le public a pu entendre samedi dernier sur la
scène de l’Automne musical de Spa dans l’ensemble Scherzi Musicali :
Isaline Leloup. D’aucuns l’auront remarquée car elle tenait entre ses mains ce
qui aurait pu être une contrebasse mais qui n’en était pas une : une
contrebasse viennoise. Un instrument méconnu né à Vienne au milieu du 18e
siècle et bien différent de notre basse moderne. Il tiendrait certains de ses
éléments de la viole de gambe et du violone. Son accord est aussi différent.
Isaline Leloup se passionne pour cet instrument et lui rend hommage à travers
un CD qui est sorti récemment : « A Viennese Afternoon ». En
quatuor, elle nous emmène en voyage dans le 18e siècle viennois, de
manière enlevée et dynamique. Un vrai plaisir d’écouter ce quatuor enthousiaste
et passionné et surtout de découvrir, par le disque, la contrebasse viennoise,
instrument grave aux belles couleurs veloutées et chaleureuses.
Cet extrait d’une œuvre de Von
Dittersdorf devait vous convaincre...
Du plaisir en CD, profitez-en
bien !